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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS.

miers jours après le combat, appuyé sur un homme, pouvait marcher assez bien, perdit tout à coup l’usage de ses jambes, et hors de la voiture cette défaillance était d’autant plus étonnante que sa blessure à la tête se guérissait à vue d’œil, et les coups de pique dans le dos paraissaient aussi presque guéris et fermés. Quant à moi, quoique ma blessure ne parût pas dangereuse, je souffrais des tourments inouïs, par suite de l’ignorance du chirurgien, qui négligea de me saigner, et à cause de la quantité de nerfs qui furent déchirés par la balle. Mes douleurs n’étaient pas dans l’endroit lésé par le coup de feu, mais dans la paume de la main ; j’y sentais des brûlures insupportables. Tout mon bras, l’épaule et la main, enflèrent prodigieusement ; la douleur m’empêchait de dormir. Quelles nuits ! Couché sur la paille, dans une chambre éclairée par une seule chandelle, je poussais de longs gémissements, et n’avais pour toute consolation, pour tout secours qu’un vieux grenadier qui, assis sur une chaise, au pied de mon lit, me regardait tranquillement ; quelquefois cependant, touché de mes souffrances ou excédé de mes cris, il se levait et allait appeler le chirurgien en second ; celui-ci arrivait avec une casserole en main, y mettait du pain et de l’eau, les faisait bouillir ensemble, en préparait un cataplasme, et m’en