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BATAILLE DE MACIEIOWICE.

côté de lui était assise une charmante fille de seize ans, belle comme un ange, espiègle et folâtre comme un lutin. En nous avançant vers le centre de l’armée, nous eûmes un spectacle bien différent : deux mille de nos prisonniers marchaient tristement ; venaient après eux vingt canons qu’on nous avait enlevés, et un chariot sur lequel on avait mis quelques drapeaux et deux ou trois étendards de cavalerie nationale richement brodés. Nous ne pûmes retenir nos larmes à la vue de ces monuments de notre malheureuse défaite. Après avoir marché six lieues, nous arrivâmes à la fin du jour à Korytnica.

Le lendemain, l’armée y fit encore halte ; je commençais à ressentir à la main des douleurs cuisantes. Sur les dix heures, arrivèrent de Varsovie les gens du général avec ses bagages, et François, mon domestique, avec un portemanteau. Le Conseil National suprême avait envoyé avec eux un des aides de camp du général avec une lettre pour lui, conçue en termes pleins de sensibilité et de noblesse ; on offrait au commandant russe, en échange du général Kosciuszko, tous les généraux, officiers et soldats russes prisonniers des Polonais, au nombre de plus de 3,000. Je traduisis aux généraux russes la proposition du gouvernement polonais ; mais ces offres ne furent point acceptées. La lettre adressée au général