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BATAILLE DE MACIEIOWICE.

donner aucun signe de connaissance. On le transporta dans une grande salle, au premier étage, et il ne resta auprès de lui que moi, pleurant à côté de son lit, et un grenadier à chaque porte dans l’intérieur même de la salle. Vers la nuit tombante, Fersen ayant besoin de cet appartement pour son dîner et, son conseil, on transporta encore une fois le malade dans une chambre au-dessus de la cave. La nuit qui succéda à ce jour malheureux fut une des plus douloureuses de ma vie. Couché sur un tas de paille auprès du général Kosciuszko, je souffrais mille fois plus au moral qu’au physique. La foule des officiers qui remplissait toute la maison s’étant enfin retirée, aussitôt les voix confuses, les ris immodérés de cette cohue, firent place aux gémissements, aux imprécations des mourants et des blessés. Or, il faut savoir que, vers la fin du combat ou plutôt du carnage, une centaine de soldats du régiment de Dzialynski et de celui des fusiliers s’étaient retirés dans la maison qui avait été le quartier général de notre armée. Ces braves gens s’y défendirent jusqu’à la dernière extrémité ; les munitions leur ayant manqué, les Russes entrèrent en force dans l’intérieur ; c’est alors que la boucherie commença : on s’égorgeait, on se perçait pêle-mêle de coups de baïonnette dans toutes les chambres, et surtout dans la cave, où les nôtres avaient pris