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BATAILLE DE MACIEIOWICE.

sen, se promenant dans la cour de la maison de briques avec sa suite ; au lieu d’uniforme, il avait un habit de pluche rouge, bordé d’un petit galon d’or ; point d’épée, autant que je m’en souviens ; en un mot, on ne pouvait pas être mis plus bourgeoisement le jour d’un combat. Je fus présenté et mené ensuite dans la même maison qui, sept heures auparavant, nous avait servi de quartier général. Je trouvai la chambre remplie de généraux russes et de plusieurs des nôtres : les généraux Kaminski, Sierakowski, Kniaziewicz, le brigadier Kopec. Nous ne pûmes retenir nos larmes, en nous voyant tous réunis par ce malheur commun. Le rapport de la mort du général Kosciuszko augmentait encore notre douleur, et surtout la mienne. Les généraux russes Chruszczew, Tormansow, Denisow, Engelhard, connaissaient tous ma famille ; ils vinrent me consoler, en me faisant des protestations d’intérêt et des offres de service : « Nous ne sommes pas des barbares, » répétaient-ils sans cesse à l’envi les uns des autres. L’empressement de se justifier de ne pas être des barbares, montrait combien leur propre conscience leur faisait ce reproche : ils ne l’étaient cependant pas quant à leur conduite envers nous. On n’est pas méchant quand on se sent heureux, et ils l’étaient tous ! Ils sortaient victorieux d’un combat cruel et opiniâtre ; ils étaient venus à bout d’un adver-