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BATAILLE DE MACIEIOWICE.

travers des rangs de cadavres de nos soldats, occupant encore après la mort la même place qu’ils avaient occupée dans le combat.

Je cherchais partout le général Kosciuszko ; je l’avais vu dans la petite plaine du côté de la rivière ; la perte de mon sang m’affaiblissait, mon sabre me tomba de la main. Un officier me voyant dans cet état, défit sa cravate et me la noua autour du bras. Je joignis enfin le général, occupé à réunir un petit corps de cavalerie ; un boulet tua son cheval, on lui en présenta un autre. Tout à coup un nouveau corps de cavalerie ennemie se montra vis-à-vis de nous ; nous l’attaquons, nous le repoussons, mais bientôt tous les chevau-légers russes fondent sur nous ; les Cosaques nous prennent par les deux flancs ; notre petite troupe tourne le dos, et chacun se sauve comme il peut, le bois promettant de couvrir notre retraite.

Un officier, ayant avec lui une vingtaine de cavaliers, me crie : « Joignez-vous à notre troupe, hâtez-vous, nous ne tomberons pas au pouvoir de l’ennemi. — Tout est perdu, lui répondis-je, n’importe ce que je deviendrai. » — Il s’éloigna avec vitesse ; moi, je n’avais ni la force ni même la volonté de pousser mon cheval ; une bande de Cosaques m’environna aussitôt. Je n’avais plus de sabre, mes pistolets étaient déchargés, et je ne

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