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BATAILLE DE MACIEIOWICE.

bataillon de paysans armés de faux, j’en avertis le général Kosciuszko et le préviens en même temps qu’à travers les broussailles la cavalerie ennemie s’avance au galop pour nous prendre en flanc. Un escadron de la milice de ma province (de Brzesc), placé au fond de la plate-forme ; commençait à chanceler et à vouloir quitter le champ de bataille, je courus pour l’animer, et m’étant mis à sa tête, j’allais m’opposer à la cavalerie ennemie. Nous allions la joindre, lorsque je fus frappé par une balle, au bras droit, au-dessus du coude ; mon sang ruisselait à flot. Je me rappelle que la douleur ne fut pas le premier sentiment que j’éprouvai dans cet instant, ce fut au contraire l’orgueil d’avoir aussi versé mon sang pour la patrie. Mais ce plaisir romanesque de patriotisme, qui flattait mon amour-propre, fut bientôt dissipé par l’aspect de la déroute générale de notre armée. Les cavaliers que je menais, se dispersèrent ; la confusion régnait partout ; toute l’armée ennemie s’avançait et nous entourait. Notre infanterie affaiblie présentant des vides et des lacunes partout, ne bougeait point ; elle reçut l’attaque de la phalange des baïonnettes russes ; la boucherie commença et après un combat opiniâtre, où les défenseurs de ma patrie se couvrirent d’une gloire immortelle, l’ennemi ne resta maître du champ de bataille qu’en marchant à