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BATAILLE DE MACIEIOWICE.

dans le chaton, et sur une des faces était gravé un soldat blessé s’appuyant sur son bouclier. Potocki l’admirait. — « Gardez-le, lui dis-je, jusqu’à ce que nous nous revoyions. » — Il n’entendait pas le vrai sens de mes paroles ; mon intention était, qu’en cas que quelque malheur m’arrivât, cet ami estimable conservât au moins un souvenir de moi. Nous nous quittâmes à une heure après minuit, aucun de nous ne prévoyant la longue séparation et les malheurs qui nous attendaient ; moi-même, je ne songeais guère que c’était pour la dernière fois que je visitais la capitale de la Pologne.

Le lendemain, lundi 6 octobre, à cinq heures du matin, le général Kosciuszko y ayant fait courir le bruit qu’il allait en ville, et confiant le commandement temporaire de l’armée au général Zaionczek, monta à cheval. Il ne voulut avoir d’autre compagnon que moi. Nous partîmes par le pont de Praga ; à trois lieues, nous laissâmes nos chevaux et prîmes ceux des paysans. Comme nous allions toujours au galop, nous fûmes obligés de changer très-souvent de monture ; les marches et les contre-marches de l’armée, et plus encore le pillage des Cosaques, avaient absolument ruiné le pays ; les chevaux étaient on ne peut plus misérables, les selles sans sangles, et souvent une simple corde mise dans la bouche