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ÉLARGISSEMENT.

encore ceux-là seulement d’entre eux, dont la conduite passée, et la manière de voir étaient conformes à la mienne, et me rendaient leur société intéressante. Cependant la ville était pleine de mes compatriotes d’un autre genre, des lâches et des traîtres, qui, pendant que la nation combattait pour son indépendance, s’étaient joints aux Russes pour cabaler et même combattre contre leur patrie. Catherine avait déjà, récompensé leur trahison par des dons, des honneurs et des charges ; mais comme Paul Ier, à son avènement au trône, ouvrait une nouvelle source de bienfaits et de largesses, ces vils insectes s’y jetèrent les premiers. Il ne se passa pas deux jours du nouveau règne, qu’ils n’eussent déjà attrapé des villages et des bourgs entiers en propriété ; le tout pour s’indemniser de ce qu’ils prétendaient avoir souffert pour leur zèle et leur attachement à la Russie. Notre délivrance, les bontés que l’empereur nous témoignait, la générosité qu’il déploya envers Kosciuszko et Potocki, excitèrent non-seulement leur envie, mais même leurs inquiétudes. Ils allaient jusqu’à me craindre et à penser que, si je restais plus longtemps à Pétersbourg, je pourrais parvenir à entrer en faveur auprès de l’empereur, et à nuire à leurs aubaines. Ces inquiétudes de leur part me furent rapportées, et j’en riais de bon cœur, lorsqu’un jour,