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ÉLARGISSEMENT.

comme auprès de celui de Pierre III ; seulement, comme chez cet empereur il n’y avait plus rien à baiser, on faisait en place une génuflexion. L’air de défaillance et d’attendrissement avec lequel Zubow se prosternait devant le corps de son ancienne maîtresse, était vraiment curieux à voir. C’était pour la première fois sans doiite qu’il baisait gratis cette main, qui autrefois s’ouvrait pour lui toujours, quand même il la serrait le plus.

L’empereur, non content d’avoir ainsi réhabilité la mémoire de son père, voulut encore tirer une petite vengeance de l’épouse qui l’avait si lestement expédié. « Mon père et ma mère, dit-il, étaient désunis pendant leur vie, je veux au moins les unir après leur mort. Qu’on prépare donc une salle où les deux cercueils seront exposés l’un à côté de l’autre. » Il dit, et au bout de quelques jours la salle se trouva prête. Elle était décorée de tous les emblèmes de la souveraineté et des écussons de tous les gouvernements et provinces appartenant à cet immense empire ; on y voyait cinq couronnes : celle de l’empire de Russie, celles des royaumes de Kasan, d’Astrakan, de la Sibérie et de la Tauride ou Crimée ; les bonnets ducaux étaient innombrables. Des sceptres, des globes, des glaives, tout enfin rappelait à l’imagination que dans ces régions glaciales tant de millions d’hommes sont là pro-