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ÉLARGISSEMENT.

accordait, comblé de faveurs à la cour, mais déshonoré dans l’opinion publique, ne pouvant plus se laver de l’opprobre qui le couvrait, et voulaint en quelque sorte nous y associer, Wielhorski persuada à l’empereur qu’il était de sa politique, ainsi que de sa générosité, de donner des terres aux deux principaux chefs de la révolution, Kosciuszko et Potocki, et de les obliger, ainsi que tous les autres prisonniers polonais, à lui prêter serment de fidélité comme sujets de la Russie. Paul Ier goûta ce conseil : Potocki et Kosciuszko reçurent chacun mille paysans. Kosciuszko, malgré toutes ses instances, fut forcé de prêter le premier le serment de fidélité , et nous suivîmes son exemple. Par ce trait de politique, en obligeant des citoyens vertueux à se déclarer sujets de la Russie, à recevoir de force, des mains qui avaient asservi leur patrie, des dons que lui, Wielhorski, avait toujours sollicités, lui et ses semblables croyaient alléger le poids de leur ignominie, et se confondre avec nous. Wielhorski resta très-probablement tout seul dans cette persuasion ; car ni le public, ni la postérité ne prendront jamais le change sur cette grossière astuce. Du reste, cet homme était plus vicieux que méchant. Je me rappelle que, quand j’étais au collège, on le citait comme le cavalier le plus aimable de la cour de Varsovie ; je l’ai vu tel à mon entrée dans le monde. Ruiné