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ÉLARGISSEMENT.

Paul Ier alla lui-même voir Potocki. Dans cette visite, il montra infiniment d’esprit et d’enjouement, et mit à sa bonté, à sa générosité, une grâce qui ajoutait encore à leur prix. « Je sais, dit-il à Potocki, que vous avez beaucoup souffert, que vous avez été longtemps maltraité, persécuté ; mais sous le dernier règne tous les honnêtes gens l’étaient, moi le premier. Mes ministres se sont violemment opposés à votre liberté ; j’étais seul de mon avis, et je ne sais, comment il a prévalu. En général, dit-il, ces messieurs (en parlant de ses ministres ) avaient grande envie de me mener par le nez ; mais, malheureusement pour eux, je n’en ai point » Et, disant cela, il passa sa main sur sa figure, qui, de haut en bas, y glissa perpendiculairement comme sur une surface unie, une petite proéminence qui marquait l’endroit où devait être le nez, ne l’arrêtant presque pas. « Vous êtes libre, continua-t-il, mais promettez-moi de vous tenir tranquille. La raison même doit vous en faire voir la nécessité. De nouvelles tentatives ne pourraient que vous attirer de nouveaux malheurs. J’ai toujours été opposé au partage de la Pologne : c’était un acte aussi injuste qu’impolitique, mais il est consommé. Pour rétablir votre pays, il faudrait le concours, le consentement des trois puissances, à restituer ce qu’elles ont