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ÉLARGISSEMENT.

avait, comme de coutume, passé la nuit avec Zubow, s’était levée le 16 novembre très-bien portante et de fort bonne bumeur, avait pris deux grandes tasses de café, plaisanté beaucoup avec sa femme de chambre, puis s’était mise à écrire, lorsqu’elle sentit un besoin pressant, et alla à son cabinet : il était à peu près sept heures du matin. Quelques moments après, les ministres, avec leurs portefeuilles, arrivèrent, selon l’usage, pour leur travail ; ne la trouvant pas, ils attendent. Une heure se passe ; la grande souveraine ne paraît pas. Son valet de chambre et confident, Zacharie, suppose qu’elle est allée se promener dans son jardin de l’Ermitage ; il va la chercher à travers tous ces bosquets magiques, où, par 30 degrés de froid au dehors, l’oranger, le jasmin et la tubéreuse entrelacent leurs fleurs et embaument l’air des parfums les plus suaves. Ne la trouvant pas, inquiet, éperdu, il la cherche dans tous les appartements, et enfin ouvre la porte des commodités. Il pousse un cri. Les ministres accourent Quel spectacle ! L’immortelle Catherine, la maîtresse du tiers du globe habité, renversée sur sa chaise percée, ses jupons dans le plus grsmd désordre, et présentant aux spectateurs étonnés ce qu’ils n’avaient jamais vu. On l’enlève, on la couche sur son lit ; elle ouvrit encore un moment les yeux, mais ne parlait plus et avait perdu connaissance.