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ÉLARGISSEMENT.

tristement dans l’obscurité, je vois entrer chez moi le praporszczyk, qui fit sortir aussitôt le soldat y et me dit : « Pour preuve de mon attachement pour vous, je vais vous apprendre un secret de la plus haute importance. » — « Qu’est-ce donc ? » dis-je d’un air étonné. Il s’inclina profondément : « Notre immortelle souveraine a daigné mourir. » Je manquai partir à ces mots d’un grand éclat de rire, mais simulant bientôt une exclamation de surprise : « Est’il possible ? lui dis-je ; quand ? comment ? » — « Il y a déjà quelques jours, et après une courte maladie ; mais telle était la volonté de Saint-Nicolas ; il faut humblement nous y résigner ; c’est une grande perte, mais l’empereur nous en dédommagera, j’espère. » — « Croyez-vous que cela apportera quelque changement à’notre sort ? » Il resta longtemps muet. « Vous ne me trahirez pas ? » dit-il enfin tout bas. « Non, lui dis-je, je vous en « donne ma parole. » Quoiqu’il n’y eût personne dans ma chambre, il s’approcha encore de mon oreille et me dit tout bas : « Les soldats, en apportant votre dîner d’aujourd’hui, m’ont fait savoir qu’on leur a signifié de ne plus l’aller chercher désormais ; que ce soir vous étiez attendu vous-même en ville. » — « Que le ciel en soit béni ! m’écriai-je ; je vous remercie mille fois de votre bonne nouvelle ; mais il se fait déjà tard, et l’on ne vient pas. » — « Il se peut, dit le praporszczyk,