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ÉLARGISSEMENT.

tout humble et tout mielleux. « Qu’est-oe que c’est que cette querelle, me dit-il, qui est survenue entre nous ? » — « Vous vous l’êtes attirée vous même, lui répondis-je ; on n’emploie pas impunément la force contre moi ; vous en répondrez. » — « Je n’ai fait que mon devoir, mais malgré cela, je n’enverrai pas mon rapport si vous voulez aussi ne pas envoyer vos lettres. A quoi bon faire un procès criminel pour un simple mouvement d’impatience, car enfin, vous avez levé la chaise contre moi. » — « Vous ordonniez d’employer la force, je me préparais à la repousser. — Votre crime est plus grand. » — « C’est ce qu’on décidera. » Après cet échange de paroles, le drôle parut réfléchir quelque temps, puis, sachant peut-être déjà que l’empereur nous témoignait beaucoup d’intérêt et paraissait même devoir nous rendre bientôt à la liberté, craignant d’ailleurs que je ne dévoilasse ses vols et ses villenies, il s’inclina très-profondément et me dit : « Si j’ai eu le malheur de vous offenser, j’en suis bien fâché et vous demande pardon. » En disant cela il prit ma main et la baisa. « Cela suffit, » lui répondis-je gravement ; après quoi je déchirai mes deux lettres. Dès ce moment, il fut doux comme un agneau. Le dimanche, 27 novembre, Makar, qui était allé chercher mon dîner chez le général Kosciuszko, se trouvant de garde le