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ÉLARGISSEMENT.

« — Plus que suffisamment, » disait Makar, le garde que je connaissais le plus, « chacun son tour. J’espère maintenant que nos malheureux prisonniers sortiront. » Le mot j’aime, sorti de la bouche d’une femme belle et adorée, ne m’aurait pas, je crois, fait plus de plaisir que la conversation de ces braves gens.

Le lendemain matin, j’entendis une triple décharge de tous les canons de la forteresse et de la ville, et je vis tous les soldats dans les casemates, qui n’étaient pas de faction, le praporszczyk en tête, dans une tenue plus propre qu’à l’ordinaire, marcher vers l’église. Mon garde affidé Makar, se glissa alors chez moi et me dit d’une voix étouffée et tremblante : « L’officier nous a défendu de parler, sous peine d’une heure de bâton, ne me trahissez donc pas : l’impératrice est morte; » et il se sauva. Je me mis aussitôt à fredonner le psaume de profundis, et appris à Kapostas, à qui j’avais déjà communiqué les premiers, bruits, que la nouvelle ne souffrait plus aucun doute. Bonneau et Kilinski l’apprirent aussi, et toujours par la voie des commodités, nous nous transmimes mutuellement nos compliments de félicitation.


    le nom familier que le peuple donnait à l’impératrice Catherine.