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VIE DE PRISON.

m’envoya un jeune freluquet qui me tâta le pouls ; et, tandis qu’il me fallait des fortifiants, me prescrivit des herbes. J’insistai sur la permission de sortir avec un soldat, et de pouvoir me promener, en plein air, pendant au moins un quart d’heure ; mais on ne me répondit que par des refus.

Cette rigueur, ainsi que toutes les autres auxquelles j’étais assujetti, me faisait souvent réfléchir sur la conduite aussi barbare qu’inutile de certains gouvernements envers les prisonniers d’État, cette classe de malheureux qui, soustraite à la protection des lois et des formes ordinaires de la justice, est poursuivie, saisie et condamnée par la volonté arbitraire, par le soupçon, ou souvent même par le caprice d’un seul être tout-puissant. Cet accusateur et juge en même temps, après avoir assouvi sa vengeance et ôté à la victime le bien le plus précieux à l’homme, la liberté, doit-il encore le tyranniser, le brûler à petit feu dans son cachot ? En l’enfermant dans sa prison, ne l’a-t-on pas déjà assez puni, en lui ôtant tout moyen de troubler la société, ou la vengeance de son tyran ? N’a-t-on pas assez pourvu à sa sécurité ? S’il est coupable , est-ce en le tourmentant qu’on le corrigera ? Ah ! qu’on connaît mal la nature de l'homme ! ce n’est pas en l’aigrissant qu’on le rend bon. La tendre compassion, la voix de l’amitié, de la douceur, voilà le moyen de ramener