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VIE DE PRISON.

sait, de le donner à tailler au caporal. On s’imagine combien c’était long et incommode ; j’eus ensuite le moyen d’obtenir de Kapostas un couteau que j’ai caché bien soigneusement, et dont je ne me servais que lorsque mes soldats sortaient de la chambre. Malgré mon goût pour le dessin, je n’ai jamais eu l’occasion de faire beaucoup de progrès dans ce talent charmant. En prison, la faiblesse de ma main droite., qui tremblait excessivement, rendait les copies que je faisais encore plus mauvaises et plus grossières ; mais cela servait toujours à tuer le temps.

Je ne dînais qu’à quatre heures , par conséquent la plupart du temps à la lumière. On envoyait chercher mon dîner de l’autre côté de la rivière, dans le palais d’Orlow, où le général Kosciuszko avait été transporté ; il m’arrivait tout gelé, et on était longtemps à le réchauffer aux casemates. L’impératrice , qui était libérale , même dans ses cruautés , avait dit que , comme nous étions maintenant défrayés par elle, elle voulait que nous le fussions somptueusement. C’était une excellente occasion pour les employés que cela regardait, de voler le trésor de la manière la plus scandaleuse. Tous les mois c’était des comptes s’élevant à je ne sais combien de milliers de roubles. Nous aurions dû être servis comme des princes, et, sans l’être à ce point, nous étions, il faut le dire, nourris