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VIE DE PRISON.

notre voyage à Pétersbourg, et la troisième sur notre prison et les désastres de la Pologne. Je pris pour épigraphe ce vers d’Ovide :

« Flebilis est status meus uti flebile carmen. »

Ces trois élégies ne contenaient rien d’injurieux pour nos tyrans , et elles étaient écrites de la main gauche, car la droite desséchait visiblement, et je n’avais aucune force dans les doigts. Si je m’étais laissé aller aux sentiments qui m’animaient, j’aurais écrit les choses les plus fortes ; mais les conséquences qui en auraient pu résulter, jointes à l’expérience que donne le malheur, m’arrêtaient toutes les fois que cette envie me prenait. Je revins donc à ma première idée de ne m’occuper que de traductions, et j’ai mis ainsi en polonais : la Chaumière indienne de Bernardin de Saint-Pierre ; Rasselas, conte anglais de Johnson ; la Vie de Caton d’Utique, de Plutarque ; la Boucle de cheveux enlevée, de Pope ; Athalie, tragédie de Racine ; et Ce qui plaît aux dames, de Voltaire. J’ai ensuite commencé un roman polonais intitulé : les Mémoires de Bielawski[1], dont je n’ai achevé que

  1. Bielawski, pauvre versificateur du temps de Stanislas Auguste, était un objet de mystifications et de plaisanteries intarissables pour ses contemporains.