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VIE DE PRISON.
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suadé de la rectitude de ma conduite, que si les mêmes événements se représentaient encore, je n’en aurais point d’autre, non par obstination, mais parce qu’elle me paraît être la seule digne d’un honnête homme et d’un bon citoyen.

Soit qu’il y ait eu intention de relâcher les prisonniers polonais après quelque temps, soit un reste de compassion dans le cœur de nos gardiens, il est certain qu’on les flattait toujours l’idée de leur prochain élargissement. Moi seul je faisais exception sous ce rapport, et on paraissait vouloir m’ôter jusqu’à l’espérance. Je m’efforçai de m’armer de tout mon courage, je tâchai de remplir mon temps le mieux qu’il me fut possible. Mais, malgré tout cela, souvent mes heures se traînaient pesamment, paraissaient des siècles ; mes nuits surtout étaient cruelles ; nulle espèce d’exercice, un air lourd et mauvais, et, plus que tout cela, une agitation intérieure continuelle me privait presque constamment du sommeil. Couché sur mon matelas, je comptais tristement les heures et les quarts d’heure sonnés par les carillons de l’horloge de la forteresse ; cette musique me devenait insupportable ; j’aurais mille fois préféré le silence. L’été, les airs mélancoliques que chantaient les sentinelles sur les remparts, me plongeaient dans une douce tristesse ; mais les ronflements seuls de mon François et du caporal,