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VIE DE PRISON.

chai-je pas le signe marqué par un petit point d’épingle, et quelle fut ma joie quand je l’eus trouvé ! Avec quelle impatience n’attendis-je pas le soir et ma chandelle, pour pouvoir déchiffrer ce qu’il m’avait écrit. La lumière tant désirée arriva enfin ; mon domestique , qui était du secret, amusait le soldat, et tandis que celui-ci me tournait le dos, j’enlevais adroitement la feuille marquée, je la repassais plusieurs fois au-dessus de la flamme. Les caractères rouges parurent ; mais, hélas ! ils ne m’apprirent que des nouvelles attristantes. Mon ami me mandait que sa femme, après beaucoup d’instances et de peines, avait obtenu la permission de le voir deux fois pendant un quart d’heure, mais toujours en présence de deux employés nommés ad hoc ; qu’il avait cependant trouvé moyen de lui écrire de temps en temps ; qu’elle avait travaillé avec tout le zèle dont l’amitié est capable, pour me retirer de la prison où j’étais, et adoucir ma position autant que possible ; mais qu’on lui avait répondu que, si mes crimes révolutionnaires n’étaient pas plus grands que ceux des autres prisonniers, ma haine personnelle contre l’impératrice, les discours outrageants que j’avais prononcés contre elle à la diète, mes propos satiriques sur le prince Potemkin et le favori d’aujourd’hui, mon acharnement enfin contre les Polonais attachés à la Russie, méritaient des ri-