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COMPAGNONS DE CAPTIVITÉ.

bord déclaré, on finit par le relâcher au bout d’une quinzaine de jours. Branicka, favorite et confidente de l’impératrice, aimée et traitée par elle comme une sœur, fut disgraciée et exilée dans ses terres de Bialocerkiew. C’est ainsi que le ciel semblait vouloir punir dans la femme, l’ambition criminelle de l’époux[1].

Dans le mois de juillet 1796, on avait amené deux autres prisonniers. Leur interrogatoire dura plus de six semaines. Samoilow vint trois fois lui-même pour les examiner, et il ne se passa presque pas de jour où ils n’eussent la visite de Makarow. Quelquefois on les enlevait à minuit pour les présenter au tribunal. Ces enlèvements nocturnes rappelaient toujours à mon imagination les mystères et les horreurs de la sainte inquisition. La longueur et l’activité de cette procédure prouvaient qu’on y attachait beaucoup d’importance, et que l’affaire devait être fort embrouillée. Enfin, le 14 septembre, Makarow vint encore examiner un des prisonniers. Dans cet interrogatoire, il élevait souvent la voix, et nous pouvions juger qu’il était

  1. Xavier Branicki, grand général de la couronne, et fameux partisan de la Russie, auquel l’auteur fait ici allusion, fut l’un des chefs de la confédération de Targowica, d’odieuse mémoire pour tout bon Polonais.