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COMPAGNONS DE CAPTIVITÉ.

après son entrée dans ce malheureux cachot, il fut attaqué par de cruels accès d’épilepsie. Séparé de lui seulement par une muraille, au moment où je m’y attendais le moins, je l’entendais tout à coup pousser des cris affreux, se rouler par terre, se débattre enfin dans son mal, sans qu’il fût en mon pouvoir de lui porter aucun secours : c’est une des sensations les plus cruelles que j’aie jamais ressenties. La santé de Kapostas fut bientôt tellement ébranlée par ces crises, que le médecin, craignant pour sa vie, fit enfin des remontrances à Samoilow ; mais tout ce qu’il en put obtenir fut la permission que, par le beau temps et accompagné de sa garde, le prisonnier pourrait, pendant une demi-heure, se promener. sur le pont-levis. Ce soulagement, tout insignifiant qu’il parût être, lui fit beaucoup de bien, et ses accès d’épilepsie devinrent depuis moins fréquents.

L’homme livré à la solitude et n’ayant pour compagnons que son imagination, a plus d’un


    nistie complète aux citoyens de cette capitale, il ne s’attendait jamais à se voir saisi et enfermé dans un cachot, Samoilow, avec une franchise vraiment admirable, lui répondit par ces mots : « Les raisons d’État ne connaissent ni bonne foi, ni justice. » Cette profession de foi de tous les despotes devrait, pour le profit des peuples, être gravée sur le marbre et l’airain.

    (Note de l’auteur.)