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COMPAGNONS DE CAPTIVITÉ.

avec un morceau de viande à diner et à souper ; la moitié en était encore volée par l’officier. A mon élargissement, j’ai raconté à ceux des Polonais qui avaient de l’influence, le triste sort de ce jeune homme ; je les ai priés de s’intéresser pour lui ; mais, parti bientôt moi-même, je n’ai pu savoir ce qu’il était devenu.

On avait mis dans la cellule abandonnée par mon ami Mostowski, M. Kapostas, amené en même temps que lui. C’était un riche banquier né en Hongrie, mais établi depuis longtemps à Varsovie. Avec un corps petit, frêle et débile, il possédait une énergie et un caractère peu communs. C'est de lui qu’on pouvait dire que le lame avait usé le fourreau. L’activité de son esprit, la fougue de ses passions, avaient à moitié anéanti le peu de forces physiques que la nature lui avait données. Il jouissait d’un grand crédit parmi les bourgeois de notre capitale, et fut un des plus zélés et des plus généreux défenseurs de la cause commune, Avec tout cela, il avait eu l’art ou le bonheur de ne pas trop déplaire par ses dépositions sur les questions qu’on lui avait faites ; mais il n’en fut pas cependant mieux traité pour cela[1]. Deux mois

  1. Quand il reprocba à Samoilow : que, selon la capitulation de Yarsovie, et d’après la parole d’honneur de Souwarow, qui garantissait au nom de sa souveraine une am-