plus loin, et une troisième du côté opposé. Malgré les plus grands soins à observer le silence, j’entendis poser une malle et la voix de Makarow, parlant allemand à un nouveau prisonnier. J’entendis aussi quelques mots de polonais qui me parurent prononcés par un domestique. La nuit se passa en conjectures et incertitudes ; le lendemain, vers les onze heures, j’entendis, dans la chambre de mon voisin, la voix de Samoilow ; je ne doutai plus que ce ne fut le commencement des interrogatoires et de toutes les cérémonies que j’avais subies moi-même. Il me parut que Samoilow visitait aussi les autres cellules ; et, au bout d’une heure, il vint chez moi. On voyait sur son visage une satisfaction, une joie, comme celle d’un pêcheur quand il vient d’attraper quelques gros et beaux poissons. « Enfin, me dit-il, votre Potocki, Zakrzewski, Wawrziecki, Mostowski, Kapostas[1], sont entre nos mains. »
— « Je suis fâché, lui dis-je, de voir le nombre des malheureux ; s’accroître. » — « Et nous avons pris aussi, ajouta-t-il, le roi Kilinski. » — « Je n’ai pas l’honneur, lui répondis-je, de connaître cette majesté-là. » Il sourit malignement, et sortit. Il paraît qu’il n’était entré chez moi que pour
- ↑ Tous, membres du Conseil national suprême pendant la révolution de Pologne en 1794.