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INTERROGATOIRE.

sant de son bonheur, je m’affligeais d’être ainsi délaissé et destiné à rester absolument seul dans mon cachot. Le lendemain, je me confirmai dans ma supposition du départ de Fischer, en observant que le caporal qui, tous les matins, venait emprunter mon peigne pour mon compagnon, ne me le demanda plus. Sur le midi, il vint me rapporter quelques volumes de Plutarque que j’avais prêtés à Fischer. « Il est donc parti, lui dis-je, il « est libre ? » Il me regarda fixement, puis se retournant et voyant que la garde était éloignée, il ajouta d’une voix basse : « Ne lui enviez pas son sort, car il n’est pas allé dans sa terre natale. »

Une nuit, l’officier me dit qu’il fallait le suivre, et aussitôt il me conduisit à une cellule à l’autre extrémité du corridor ; on y apporta mon portemanteau. Il me dit que je reprendrais bientôt la mienne. Celle dans laquelle je venais d’entrer était si petite, que de la table à la porte il n’y avait que trois pas ; c’était là toute l’étendue de ma promenade. J’entendis travailler les ouvriers ; on portait des baquets de chaux, apparemment pour recrépir les murailles : tout annonçait qu’on attendait de nouveaux hôtes. Quatre ou cinq jours après, on me reconduisit dans ma première chambre, toujours avec un mystère et des pré-