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INTERROGATOIRE.

thousiasme pour lui fut-il à son comble. Ah ! il aurait sauvé l’État, s’il avait persisté dans cette noble détermination ! Mais aussitôt que la guerre éclata, que le danger parut, que les armées russes gagnèrent du terrain, on vit Stanislas-Auguste différer de jour en jour son départ pour l’armée, éviter ses ministres, se retirer dans son sérail, et s’abandonner entièrement aux piailleries de ses sœurs et de ses maîtresses. C’est de cette indigne retraite que sortit l’ordre de suspendre les hostilités, et enfin l’accession à la confédération de Targowica. De roi, il devint de nouveau protégé, pour ne pas dire esclave ; il perdit toute son autorité et les trois quarts de ses États. À cette époque, avec un grand nombre de Polonais, je me vis forcé de chercher un asile dans les pays étrangers. On dit que Stanislas avait quelquefois des moments où il éprouvait toute la honte, tous les remords, toutes les angoisses d’une conscience coupable ; qu’il tachait de s’en consoler en envoyant à tous les gazetiers de l’Europe sa justification, écrite de sa propre main, et où il rejetait la faute sur la grandeur des difficultés à surmonter, et le plus souvent aussi, sur sa propre nation. Ces écrits étaient accompagnés de boîtes d’or et d’autres présents. Mais il ne fit jamais aucune autre tentative plus sérieuse pour se laver de l’opprobre dont il s’était couvert ; et, en effet, il