Page:Niemcewicz - Notes sur ma captivité à Saint-Pétersbourg.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
100
INTERROGATOIRE.

même assez bien gouverné une monarchie déjà consolidée et paisible; mais jamais prince n’a été moins fait pour être le chef d’un peuple plongé dans l’anarchie, d’un peuple dont les trois puissances les plus formidables de l’Europe avaient juré la perte. Un grand caractère, un grand courage, auraient seuls pu sauver la Pologne. Stanislas-Auguste n’avait ni caractère, ni courage. Plus vain qu’ambitieux, il préférait d’être loué par les voyageurs et les journalistes que de laisser un nom dans l’histoire. Timide et indolent, la moindre menace de la Russie lui faisait abandonner les vues les plus salutaires pour son pays. Lors du premier partage, il prononça quelques discours, fit des protestations capables de le rendre intéressant aux yeux de l’Europe, sans le compromettre toutefois vis-à-vis de la Russie. Depuis cette époque, avec son Conseil permanent, le liberum veto, les diètes de six semaines, toutes ces monstruosités que vous avez établies, garanties et appelées lois cardinales, avec ses 15 millions par an pour ses menus plaisirs, Stanislas-Auguste, sous l’ombre de vos ailes, au milieu de ses maitresses, de ses peintres et de ses sculpteurs, dormit profondément l’espace de douze ans. Dans l’année 1788, les Polonais, voyant la Russie engagée dans la double guerre avec la Porte et la Suède , circonstance qui n’avait pas eu lieu depuis