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INTERROGATOIRE.

croche même à un rasoir. Détestant et les principes et les actions barbares de la révolution française, nous aurions cependant accepté ses secours. J’ai entendu dire que le Comité du salut public avait promis au général Kosciuszko trois millions de livres tournois et quelques officiers d’artillerie ; il l’avait promis, mais je puis vous certifier que nous n’avons vu ni un seul officier, ni reçu un seul sou. » — « Nous n’ignorons pas, me dit-il, que les chefs de la révolution avaient la plus grande confiance en vous ; vous savez tout, mais vous ne voulez rien dire, et vous vous en repentirez. » — « Je n’ai point de révélations à vous faire, Monsieur, et je n’ai point le talent de vous fabriquer des contes ; quant à vos menaces, je sais que je suis entre vos mains ; je m’attends et je suis résigné à tout, je désire la mort plus que je ne la crains. » — « On vous laissera la vie, m’interrompit-il, mais jamais vous ne sortirez d’ici. » — « En entrant dans ce cachot, lui répondis-je, j’ai laissé l’espérance derrière moi. » Voyant que ses menaces ne produisaient aucun effet, il se radoucit tout à coup, et me parla du ton le plus doux et le plus affectueux, en se répandant en flatteries et en promesses. « Causons avec confiance, me disait-il ; entre nous, votre Kosciuszko n’est qu’un imbécile. » — « Monsieur, lui répondis-je ; il vous a