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INTERROGATOIRE.

chambre, et, s’étant enveloppés de leurs manteaux, se couchèrent par terre autour de mon lit, leurs fusils à côté, la sentinelle debout près de la porte. Que de précautions contre un seul prisonnier blessé et malade ! La vue de cette prison, de ces soldats éclairés par une faible lueur de la chandelle, et, plus que tout cela, mes tristes réflexions, m’empêchèrent de fermer l’œil de toute la nuit. Un horrible silence régnait dans cette maison ; de temps en temps, j’entendais seulement le bruit des pas d’un homme qui, sur le bout des pieds, marchait dans le corridor, puis semblait s’arrêter aux portes pour écouter ce qui se passait dans les chambres. Je me levai à six heures ; on m’apporta du café dans une tasse de bronze doré appartenant au général Kosciuszko. Cette circonstance me fit plaisir ; j’en augurai qu’il n’était pas loin. Rassuré sur ce point, je me résignai à tout, et je me sentis aussi tranquille qu’on peut l’être dans une aussi pénible situation. Le jour ne parut qu’à neuf heures passées ; je regardai à travers les barreaux qui se croisaient à la fenêtre et la glace qui couvrait à moitié les vitres ; je ne vis que le flanc de la flèche avec des casemates en bas, où logeaient les soldats attachés à la prison. Le jour me montra encore mieux combien cette petite chambre était humide. L’eau filtrait à traders les fondements, et des espèces de champignons pous-