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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS.

vous dans un costume aussi peu convenable. » — « Ce n’est pas le moment d’être poli, » me répondit-il sèchement. J’allais lui dire que j’ignorais qu’il y avait des moments où des gens comme il faut étaient dispensés d’être polis, mais je me tus et je fis mieux. Sur un signe de sa part, mes conducteurs m’entourèrent et nous descendîmes l’escalier.

Nous traversâmes la grande place de la forteresse, sortîmes par une grande porte qui conduisait à un pont-levis joignant le fort avec les ouvrages extérieurs. Deux hautes murailles en flèche se prolongeaient de chaque côté, et présentaient au fond une longue maison en bois. La porte s’ouvre ; suivi de mes conducteurs, j’entre dans un long corridor éclairé par une seule chandelle ; je vois des deux côtés des petites portes gardées chacune par une sentinelle, aussi immobile qu’une statue. On me fait entrer dans celle qui était tout au fond, et je me trouve dans une cellule dont l’odeur et l’humidité annonçaient qu’elle avait été tout nouvellement recrépie. « C’est ici votre demeure, me dirent mes anges gardiens ; et, conformément aux règles de la maison, vous permettrez que nous vous fouillions. » — « Si c’est la règle, leur dis-je, je vais vous en épargner la peine ; » et aussitôt je sortis de mes poches deux rouleaux de ducats, ma