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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS

Francfort, etc. Une image de saint Nicolas, recouverte d’une robe d’argent massif, faisait tout de suite voir l’opulence du propriétaire. Cette image est le dieu pénate ou le fétiche des Russes, saint Nicolas vient chez eux tout de suite après l’impératrice et immédiatement avant le Père éternel ; à peine un Russe entre-t-il dans l’appartement, qu’il se tourne vers l’image et l’adore en se baissant profondément et en faisant neuf signes de croix. Ils portent cette image dans leurs camps et même sur leurs vaisseaux de guerre. J’ai vu à Abo, chez un Suédois, chef d’escadre, un pareil saint Nicolas en froc d’argent pris sur un chebec russe.

On ne nous cacha plus que nous allions à Pétersbourg. À mesure que nous avancions vers la capitale, les courriers se croisaient plus rapidement ; les conférences, les chuchotements entre nos geôliers devenaient plus fréquents. Titow, soit par malice, soit par ignorance, ne nous parla que de la clémence et de la générosité avec lesquelles nous allions être accueillis et traités. Une dépêche qu’il reçut en notre présence, détruisit le peu de foi que nous pouvions ajouter à ses paroles, car l’adresse, écrite en gros caractères, contenait ces mots : Au chef d’escorte conduisant le rebelle Kosciuszko et autres. C’est ainsi qu’on qualifiait des citoyens d’une nation libre et indépendante,