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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.

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Personne n’a accès derrière le rideau mystérieux des secrets de Dieu, personne (pas même en esprit) ne peut y pénétrer[1] ; nous n’avons point d’autre demeure que le sein de la terre. regret ! car c’est là aussi une énigme non moins difficile à saisir[2].


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J’ai bien longtemps cherché dans ce monde d’inconstance qui nous sert un moment d’asile ; j’ai employé dans mes recherches toutes les facultés dont je suis doué ; eh bien ! j’ai trouvé que la lune pâlit devant l’éclat de ton visage, que le cyprès est difforme à côté de ta taille élancée[3].


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Dans la mosquée, dans le medressèh[4], dans l’église et dans la synagogue, on a horreur de l’enfer et on recherche le paradis ; mais la semence de cette inquiétude n’a jamais germé dans le cœur de celui qui a pénétré les secrets du Tout-Puissant[5].


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Tu as parcouru le monde, eh bien ! tout ce que tu y as vu n’est rien ; tout ce que tu y as vu, tout ce que tu y as entendu n’est également rien. Tu es allé d’un bout de l’univers à l’autre, tout cela n’est rien ; tu t’es recueilli dans un coin de ta chambre, tout cela n’est encore rien, rien[6].

  1. On peut aussi expliquer autrement ces deux premiers hémistiches du quatrain, qui, en persan, présente deux sens, voici le second : Personne n’a accès derrière le rideau mystérieux des secrets de Dieu, puisqu’il n’est donné à l’âme même de personne d’y pénétrer.
  2. Le texte dit : Ô regret, que cette énigme aussi ne soit pas courte ! c’est-à-dire : Il y a bien des commentaires à faire, sans espoir d’arriver à une solution.
  3. Ce quatrain est considéré comme mystique, et les compliments qu’il renferme, et qui semblent être plus dignes d’une maîtresse que de la Divinité, se rapportent au Tout-Puissant.
  4. Le medressèh est l’école qui est annexée aux mosquées.
  5. Allusion à l’excellence de la doctrine du soufisme, qui conduit à la réabsorption de l’âme dans l’essence divine. Ceux qui la professent n’ont ni à craindre l’enfer, ni à espérer le paradis.
  6. Ce monde, selon les soufis, est moins que rien. C’est un monde de [Texte en persan], d’imagination, de rêve ou d’illusion. Il n’existe que par la splendeur du Tout-Puissant, qui répand sa pensée sur tout l’univers, semblable en cela à la lumière qui se disperse sur toute la terre lorsque le soleil se lève. L’absence de cette splendeur divine ferait tout rentrer dans le néant, de même que les atomes perceptibles à l’œil dans les rayons du soleil rentrent dans l’obscurité et disparaissent dès que cet astre cesse de luire dans les cieux.