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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


256

Tout ce que renferme ce monde de fiction n’est qu’images et fioritures. Peu avisé est celui qui ne se comprend pas dans le nombre de ces images. Repose-loi, ami, bois une coupe de vin, livre ton cœur à la joie, et sois ainsi délivré de toutes ces vaines figures, de ces réflexions impossibles (qui viennent assaillir ton esprit).


257

Lorsque tu seras en compagnie d’une belle à taille de cyprès, au teint plus frais que la rose nouvellement cueillie, ne t’éloigne pas des fleurs de la prairie, ne laisse point écbapper la coupe de ta main ; (fais cela) avant que l’aquilon de la mort, semblable au vent qui disperse les feuilles de roses, mette en lambeau l’enveloppe de ton être.


258

Jusques à quand ces cris, ces gémissements contre les choses de ce monde ? Lève-toi plutôt et passe gaiement tous tes instants. Lorsque l’univers sera d’un bout à l’autre recouvert de gazon, bois, pleine jusqu’au bord, une coupe de vin en rubis.


259

Ne donne point dans ton esprit libre accès à des pensées impossibles. Bois du vin durant des années, et toujours la coupe pleine jusqu’au bord. Sois empressé auprès de la fille de la vigne[1] et réjouis-toi, car il vaut mieux user de la fille défendue que de la mère permise.

  1. Persiflage à l’endroit de la morale des moullahs musulmans qui permettent aux fidèles de manger du raisin et qui leur défendent d’en boire le jus, lequel, dans le langage poétique des Orientaux, est à la grappe ce que l’enfant est à sa mère. Nous avons fait observer plus haut que les poëtes d’orient appellent le vin la fille de la vigne.