Ces habitants dos tombes sont réduits en terre, en poussière ; les atomes (dont ils étaient composés) sont épars ça et là, séparés les uns des autres[1]. Hélas ! quelle est donc cette boisson dont le genre humain est abreuvé et qui le tient ainsi dans le vertige, dans l’ignorance de toutes choses, jusqu’au jour du jugement dernier[2] !
Ô mon cœur[3] ! agis comme si tous les biens de ce monde t’appartenaient ; imagine-toi que cette maison est pourvue de toutes choses, qu’elle est soigneusement ornée, et vis joyeux dans ce domaine du désordre[4]. Figure-toi que tu t’y es assis durant deux ou trois jours, et qu’ensuite tu t’es levé pour partir.
Des dogmes de la religion n’admets que ce qui t’oblige envers la Divinité. Cette bouchée de pain que tu possèdes, ne la refuse pas à autrui ; garde-toi de la médisance, ne recherche le mal de personne, et alors c’est moi qui te promets la vie future : apporte du vin.
Entraîné par la course rapide du temps, qui n’accorde ses faveurs qu’aux moins dignes, ma vie se passe dans un gouffre de chagrins et de douleurs. Dans ce jardin des êtres, mon cœur est aussi serré qu’un bouton de rose ; semblable à la tulipe, il y est inondé de sang.
- ↑ Allusion au retour des parcelles dont le corps humain est composé et qui rejoignent après la mort de l’homme les éléments auxquels elles appartiennent. (Voyez quatrain 163, note 1.)
- ↑ Persiflage à l’endroit de la résurrection de la chair, à laquelle les soufis ne croient pas plus qu’à la fin du monde.
- ↑ Ô mon cœur ! terme de tendresse que notre poëte emploie en s’adressant à son échanson.
- ↑ Le monde.