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Avec des gestes machinaux, elle se déshabilla, sans accorder à son corps le moindre regard, et se glissa dans le lit en frissonnant.

Ses pensées la tinrent longtemps éveillée.

Tout était silencieux dans la maison.

Pourquoi Jacques ne venait-il pas la rejoindre ?

Pourquoi perdait-il un peu de ces minutes précieuses d’intimité ?

Oh ! ce livre, comme elle le détestait maintenant et pourtant à l’écrire, elle s’était sentie heureuse, soulagée même…

Elle s’endormit, Lorsqu’elle se réveilla, deux heures plus tard, elle s’aperçut que la place à côté d’elle était toujours vide.

Elle passa une robe de chambre, courut au salon. Mais la lumière était éteinte. Peut-être Jacques était-il allé faire une promenade ? Non, la porte d’entrée était fermée.

Elle remonta l’escalier à pas furtifs. Devant une porte, elle s’arrêta. Le bruit d’une respiration régulière lui parvint. Jacques n’avait pas voulu la rejoindre. Il était allé dormir dans une petite chambre où il passait d’habitude la nuit lorsqu’il partait très tôt le matin pour la chasse… C’était la première fois qu’il semblait la fuir, la première fois qu’il ne lui donnait pas un baiser avant de plonger dans le sommeil…

Elle se sentait tout à coup dépossédée de son bonheur. Elle regarda ses mains comme pour y trouver les débris de cette joie parfaite qu’elle venait de détruire inconsidérément.

Elle pleura longuement avant de s’endormir à nouveau.

Chaque matin, à l’accoutumée, son mari la réveillait d’une caresse rieuse. Elle eut conscience, dans son sommeil, de quelque chose d’inhabituel… En bas, dans la cour, Jacques mettait le moteur de sa voiture en marche…

Il ne se retourna pas. Il ne vit pas le visage pâle écrasé contre la vitre et les yeux tristes qui le suivaient anxieusement.

Annette comprima les battements de son cœur… Il fallait être forte… Tout n’était pas perdu… Elle lui expliquerait… Il reviendrait vers elle… Maintenant, il boudait parce qu’elle avait fait une chose un peu incongrue, parce qu’elle avait caché sa vraie vie, ses vraies pensées… Elle eut un pâle sourire. Elle pensa qu’elle l’aimait trop pour ne pas forcer son amour…

Martine ne s’aperçut de rien lorsqu’elle lui apporta son petit déjeuner.

— Ça ne dérange pas Madame si je m’absente ce matin, demanda-t-elle. Je dois aller à la Ferme de la Marnière pour acheter des graines.

— Allez, Martine ! Je n’aurai pas besoin de vous.

Elle se retrouva seule et se sentit étrangement détachée de tout ce qui l’entourait.

Tout l’ennuyant, elle se laissa tomber sur une chaise-longue dans le jardin et ferma les yeux pour mieux rester seule avec ses pensées.

Elle y réussit à un tel point qu’elle n’entendit pas une voiture s’arrêter non loin de la maison.