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La douce main de Martine glissa sur le visage du moribond.

— Vous allez tout raconter au docteur, il l’écrira et vous signerez le papier.

En bonne paysanne elle savait la valeur des papiers duement signés.

Gardaire s’exécuta. Martine avait deviné juste. Elle n’apprit que quelques détails. L’assassin était venu par l’autocar, mais s’était arrêté à un village éloigné de dix kilomètres. Il avait fait le reste du chemin à pied sous la pluie. S’étant couché dans le garage il s’était endormi. Vers trois heures du matin, il s’était dirigé vers la maison dont la porte d’entrée n’était pas fermée. Sur le seuil il avait enlevé ses chaussures pour ne laisser aucune trace de pas.

Une veilleuse donnait une faible lumière. Il avait vu une forme endormie. Ayant trouvé sans peine le revolver dans le secrétaire, il avait tiré. Et il était reparti à son point de départ. Après il était tombé malade et il serait mort sans parler et sans rien savoir de sa méprise si Martine n’était venue.

Martine rentra trois jours plus tard au village. Elle venait de suivre, seule et attristée, l’enterrement de Gardaire.

Il était mort réconcilié avec les hommes et avec Dieu car le prêtre, qu’elle avait amené à son chevet, avait su trouver les mots simples qui touchent ceux qui vont quitter la vie.

Un double cri de joie accueilli son arrivée. Annette et Jacques libéré depuis peu, l’embrassèrent à tour de rôle.

— Vous m’avez sauvé, Martine, fit Jacques.

— C’est vrai, Monsieur. Mais pourquoi avez-vous voulu vous perdre ? Vous auriez mieux fait de vous expliquer avec Madame. Avec tous vos mensonges, l’un croyant l’autre coupable et s’accusant pour lui, je n’arrivais plus à m’y reconnaître. Que s’est-il passé au juste ?

— Annette voulait tuer Brigitte. Elle n’en a pas eu le courage au dernier moment. Je suis descendu dans le salon, peu de temps après elle, pour chercher les lettres. En tâtonnant — la veilleuse éclairait à peine — j’ai trouvé le revolver sur le divan et l’ai remis à sa place. Je suis remonté sans rien avoir trouvé. Quand ma femme m’a dit qu’elle avait tué — ou quand plutôt j’ai arrêté ce que je croyais être un aveu sur ses lèvres — j’ai cru comprendre qu’à ce moment Brigitte était déjà morte. Au contraire, elle m’empêchait de parler pour ne pas entendre de ma bouche que j’étais coupable.

— C’est bien embrouillé tout ça, soupira la servante. J’espère que vous et Madame vous tiendrez tranquilles maintenant.

— Nous promettons d’être sages, dirent-ils en même temps.

— Et puis, continua-t-elle d’une voix ferme, il y a encore une chose que je voudrais vous demander.

— Ce que vous voudrez, Martine.

Eh ! bien, que Madame n’écrive plus de romans policiers. Vous voyez où ça mène de fréquenter des assassins, même sur des livres !

Michèle NICOLAI.
FIN