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cider. Avec des gestes précis, elle le ranima. Puis ayant appelé la souillon qui desservait l’étage, elle fit mander un médecin. En l’attendant elle rangea la chambre, tout naturellement et refit le lit du malade. Celui-ci ouvrait les yeux.

— Ne parlez pas, ne vous fatiguez pas, chuchota-t-elle en se penchant sur lui. Je vous soignerai.

— Pourquoi êtes-vous là ? demanda-t-il.

Elle haussa les épaules. Il n’y avait pas de pourquoi ! Martine était humaine voilà tout. Et elle avait déjà oublié la tâche qu’elle s’était imposée pour ne penser qu’à celle qui la sollicitait maintenant : porter aide à celui qui avait besoin d’elle.

Le docteur ausculta Gardaire, lui fit une piqûre et rédigea son ordonnance.

Sur le palier il expliqua à Martine :

— Crise d’angine de poitrine. Le cœur flanche. Je ne crois pas qu’il tienne longtemps. Ne voulez-vous pas le faire transporter à l’hôpital ?

— Non. Je m’occuperai de lui.

— Je reviendrai demain.

Ayant fait prévenir à la gentilhommière qu’elle ne rentrerait pas, Martine s’installa au chevet du mourant. Était-il coupable ? Allait-il, dans son délire, laisser échapper une phrase qui trahirait son secret. Mourrait-il sans qu’elle sache !

Mais l’homme ne délirait pas : Il la suivait des yeux avec, parfois, une lueur d’angoisse.

— Qui êtes-vous, lui demanda-t-il alors qu’elle l’aidait à boire.

— Martine. La servante d’Annette Dejean.

Il repoussa la tasse d’un geste si brutal qu’il lui arracha un cri de douleur.

— Elle est… elle est morte !

Martine le regarda étonnée, crut qu’il divaguait, mais il n’avait pas de fièvre. Devenait-il fou ?

Elle ne répondit rien. Gardaire, les yeux exorbités, haletant, une main sur ce cœur dont il semblait vouloir retenir les battements, réussit à bégayer :

— Elle est morte… Et c’est moi qui l’ai tuée.

De grosses larmes glissèrent sur ses joues. Il retomba sur l’oreiller, à bout de forces.

Martine s’affola : il ne fallait pas qu’il succombe… pas avant d’avoir avoué. Elle comprenait tout… Gardaire était l’assassin. En tirant sur Brigitte il avait cru supprimer Annette. Il s’était glissé dans la pièce… Il avait pris le revolver… Un corps de femme dans un lit… Ce ne pouvait être qu’elle… Il avait visé. L’orage avait repris de plus belle. On n’avait pas entendu le coup de feu dont le bruit s’était confondu avec celui du tonnerre.

Rentré dans son hôtel il était tombé malade. Déjà son cœur était usé par la vie qu’il avait menée et par ses années d’emprisonnement. Son geste meurtrier l’avait achevé. Il n’avait pas lu les journaux, malade et délaissé comme il l’était.

Pour elle, il n’y avait plus de mystère. Mais il fallait des preuves pour délivrer Jacques. On ne la croirait pas sans cela.

Gardaire semblait mort. Tout était donc perdu.

Juste, à ce moment, on frappa. Elle courut ouvrir la porte et accueillit le médecin comme un sauveur :

— Il faut le prolonger de quel-