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■ MICHÈLE NICOLAÏ ■
Mon premier
CRIME
Roman, complet inédit


CHAPITRE Ier

Il entra dans la pièce, l’enveloppa de ses bras musclés, la souleva de terre et plaqua sur ses joues une pluie de baisers pressés.

Chaque soir, lorsqu’il rentrait, c’était le bonheur qui faisait apparition en même temps que lui.

Depuis qu’Annette l’avait épousé — il y avait à peine deux ans — la vie avait pris un sens nouveau. Elle oubliait parfois son passé.

Jacques, son sourire triomphant, sa netteté, son regard qui cherchait les êtres bien en face, sa voix chaude, Jacques était le présent, le cher présent.

Pourtant, à cette minute même, elle se sentait mal à l’aise.

Tout en écoutant son mari qui lui racontait sa journée elle pensait à autre chose.

Il avait enlevé sa veste et se lavait les mains. La chemise échancrée sur son torse bronzé, les cheveux en désordre, elle ne l’avait jamais vu si parfaitement beau et fort. Et elle trembla à l’idée qu’un jour elle pût le perdre.

— Voyons, tu ne m’écoutes même pas, protesta Jacques.

— Mais si, tu disais que nous pourrions dîner sur la terrasse… Il fait merveilleusement bon ce soir, tu as raison…

— Bon, te voilà revenue sur terre… tu ne t’es pas trop ennuyée aujourd’hui ?

Elle protesta très vite :

— Je ne m’ennuie jamais.

Jacques était architecte. Tous les matins il se rendait à la ville pour travailler à son bureau.

Mais le soir, il retrouvait avec plaisir sa maison : une vieille gentilhommière qu’il avait restaurée et meublée avec un goût sûr. Elle était accrochée au flanc d’une colline couverte de peupliers bruissants. Des milliers d’oiseaux y faisaient entendre leurs cris. Il aimait ce coin paisible, la vie à deux. Mais, parfois, il s’inquiétait pour sa femme.