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CHAPITRE VI

Martine était certaine que son maître était innocent. Elle s’en était ouverte à Annette revenue à la gentilhommière depuis la veille.

— Puisque ce n’est pas moi, avait gémi la jeune femme, ce ne peut être que lui. Il a avoué.

— Vous aussi.

— Je voulais le sauver !

— Et s’il s’était accusé pour vous sauver, lui aussi.

— Mais qui aurait tué Brigitte ?

Qui ? Martine se posait à nouveau la question.

Le matin même, en jardinant, elle avait trouvé, enfoui dans la terre qui entourait un cactus géant, le revolver qu’elle connaissait bien. Elle n’en avait rien dit à personne.

Bribes par bribes, elle avait arraché à sa maîtresse le récit détaillé de la journée tragique. Cela ne lui apprenait pas grand-chose. Martine n’avait jamais lu de roman policier. Ses seules lectures étaient celles du journal local. Mais elle possédait un ferme bon sens qui lui servait de logique. Et c’est pourquoi elle décida de mener elle-même son enquête. S’étant habillée comme pour aller à la messe, elle partit à la ville, le revolver dans le sac.

La plume de son chapeau au vent — elle adorait les plumes — elle se rendit à l’hôtel Régina.

Entrée par la porte de service, elle déjeuna à l’office avec la cuisinière qui était de son village. On parla de Brigitte Hallier. Et elle apprit que Pierre Barral était son amant et que tous deux avaient eu, la veille du meurtre, une dispute dont les échos n’avaient pas été muets pour la domesticité.

— Et s’il l’avait tuée, dit-elle.

— Impossible, affirma un maître d’hôtel. Il a mangé dans sa chambre à huit heures et a joué au bridge toute la nuit avec trois autres amis qui l’ont rejoint. J’ai été, à plusieurs reprises, leur servir à boire.

La valeur de l’alibi s’imposait entière à la servante. Le meurtrier de Brigitte l’avait suivi à la campagne. Donc Barral était innocent.

Alors, qui ? Elle repoussait l’idée d’un vagabond tuant pour rien, gratuitement. Il ne restait qu’un élément étranger à l’affaire : Robert Gardaire. Mais pourquoi aurait-il voulu se débarrasser de Brigitte alors que c’est à Annette qu’il en voulait ?

Poussant un soupir insatisfait elle se mit à sa recherche, sans même savoir s’il était encore là. Vers la fin de la soirée, pénétrant dans un hôtel de quatrième ordre — elle avait visité tous ceux de la ville — elle s’entendit répondre :

— Monsieur Gardaire ? Troisième étage. Chambre 23.

Martine monta l’escalier sans tapis, aux marches usées par les pas. Arrivée devant la porte où s’inscrivait le numéro donné, elle frappa.

Personne ne répondit. Sans hésitation, elle entra et elle aperçut un homme très pâle couché dans un lit en désordre. Il semblait avoir perdu connaissance.

Martine était prompte à se dé-