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— Calme-toi, ma chérie. Rien ne peut nous arriver.

Mais il ne paraissait [pas] convaincu de ce qu’il disait.

Une fois la machine judiciaire mise en branle, il savait que la vérité se ferait jour… Il l’avait toujours su…

Les journaux du lundi, dans un bref entrefilet annoncèrent que Brigitte Hallier avait été tuée par une balle de revolver.

Jacques hésita à se rendre à son travail. Il avait peur pour Annette. Mais celle-ci le supplia de ne rien changer à son mode d’existence pour ne pas attirer les soupçons.

Ce fut elle qui reçut l’inspecteur Mercadier lorsqu’il arriva deux heures plus tard.

En quelques mots il lui annonça qu’il était porteur d’un mandat de perquisition.

— Faites votre travail, dit-elle.

La pièce où elle se tenait, la pièce du crime, fut visitée la première par les deux hommes qui accompagnaient le policier. Ils furent longtemps à trouver quelque chose. Chaque minute qui passait redonnait de l’espoir à Annette, mais tout à coup, elle entendit Mercadier pousser une exclamation. Avec son couteau il sortit une balle de revolver enfoncée profondément dans la boiserie inférieure qui faisait le tour de la pièce et se trouvait à la hauteur du divan où Brigitte avait passé sa dernière nuit.

— Voici la preuve ! dit-il simplement.

Annette se leva, très maîtresse d’elle-même :

— J’aime mieux tout vous dire, inspecteur, c’est moi qui l’ai tuée.

En quelques phrases brèves elle raconta le drame. Elle n’eut, pour le rendre vraisemblable qu’à modifier la fin.

— Je suis descendue… pendant la huit. J’ai pris mon revolver et j’ai tiré sur elle.

C’est comme dans un rêve qu’elle entendit la phrase fatidique qui avait hanté ses cauchemars :

— Au nom de la loi, je vous arrête !

— Je vous suis, Messieurs, dit-elle. Le temps de passer un manteau et je suis à vous.

Martine était entrée dans la pièce comme un diable :

— Pourquoi avez-vous avoué, Madame, répétait-elle en pleurant.

L’inspecteur Mercadier tourna la tête. Il ne se sentait même pas fier de son si rapide succès. Tout cela était trop simple… beaucoup trop simple.

 

Jacques reposa les journaux d’un geste las. Pour la seconde fois le portrait de sa femme se trouvait en première page accolé au mot crime.

Ce matin-là devait avoir lieu la reconstitution du drame et il était resté chez lui. Du reste, il se sentait incapable de retourner en ville et d’affronter la curiosité des gens.

Lorsque la voiture de police stoppa dans l’allée il courut à la rencontre d’Annette. Tombant dans ses bras, elle chuchota :

— Laisse-moi faire, je t’en supplie…

L’inspecteur Mercadier toussa pour rappeler sa prisonnière à l’ordre.

Annette, toute mince, toute frêle, vint se remettre à côté de lui. Jacques s’étonna de la flamme volontaire qui allumait son regard.