Page:Nicolaï - Mon premier crime, 1944.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 24 —

qui montait à ses lèvres. Ainsi, Martine croyait que c’était elle la meurtrière ! Une idée lui vint. Si la justice intervenait dans l’affaire, pourquoi ne pas s’accuser ? En pensée, elle avait bien été une criminelle.

En se disant coupable, elle sauverait Jacques. Cette pensée la rassura.

Le soir, son mari en rentrant était déjà au courant de l’affaire.

— Tout le monde croit à un accident, expliqua-t-il.

Un même espoir faisait briller leurs yeux. Était-ce possible que la justice s’égarât et que le point final fut inscrit en bas du terrible drame. Un moment, ils se crurent sauvés. Et Martine, dans le sous-sol, avait repris une des rengaines qu’elle chantait d’habitude à tue-tête…

Mais leur quiétude dura peu.

Le lendemain, un dimanche, ils reçurent la visite d’un inconnu. Son nom, Pierre Barral, ne leur disait rien. Ils le reçurent cependant.

Celui-ci était un grand garçon très blond et très mince, au visage impassible.

— J’étais le fiancé de Brigitte Hallier… commença-t-il.

— Nous sommes navrés de ce qui est arrivé, l’interrompit Annette.

Il la regarda d’une drôle de façon.

— Vous peut-être… Mais quant à votre mari, je n’en suis pas aussi certain.

Jacques ne protesta point.

— Elle est partie avec vous ce soir-là, je le sais, affirma Pierre Barral. Or, quand vous avez quitté la ville, le pont était déjà enlevé, je l’ai vérifié. Est-ce possible qu’elle ait tenté de traverser le fleuve à la nage ? La réponse est négative. Alors, je me crois en droit de vous poser une question : Qu’avez-vous fait d’elle ?

— Elle a dîné avec nous puis est repartie, nous n’en savons pas plus, expliqua Annette. Nous ignorions que le pont était détruit. Il eut un geste évasif.

— Je ne crois pas que ce que nous ayons à dire maintenant vous concerne, Madame, peut-être feriez-vous mieux de vous retirer.

— Je puis tout entendre, affirma Annette.

— Vous l’aurez voulu ! Dans ce cas, je continue. Elle ne m’avait pas caché, Monsieur Dejean, que vous déteniez des lettres lui appartenant. Ce soir-là, vous deviez les lui remettre. Vous l’aimiez, l’annonce de son mariage vous a affolé de jalousie et vous l’avez tuée.

— Ce que vous dites ne tient pas debout, protesta encore la jeune femme. Martine, notre servante, et moi l’avons vue partir. Il lui est arrivé un accident. Peut-être, dans l’obscurité, n’a-t-elle pas vu que le pont avait été emporté… Elle a fait un faux pas…

— C’est votre version. Ce n’est pas la mienne. Ne vous étonnez pas d’apprendre que, sur ma demande, la police procède à une autopsie. Celle-ci nous fixera sans doute. Pour moi, mon opinion est faite.

Sur ces mots, ayant salué froidement, il repartit.

Annette se blottit contre son mari :

— Nous avons brûlé tes lettres et les siennes. Il n’y a pas de preuves contre nous…