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broué un peu rudement, mon père m’en fit la remarque :

— C’est grâce à lui que nous nous trouvons ici, me dit-il.

J’essayai docilement d’être plus aimable. Et cela me fut assez facile car, après tout, nous vivions très solitaires mon père et moi et la compagnie de Robert Gardaire m’était une distraction.


Le château, une vieille bâtisse du XIIIe siècle, était enfoui dans la verdure (page 20).

Je connus très vite ses défauts et ses vices car il ne les cachait point, loin de là. Il était paresseux et joueur. Il avait toujours vécu aux dépens de sa tante qui, lasse de ses demandes, lui refusait à présent des subsides. Pourtant elle était immensément riche et il se trouvait être son seul héritier.

Ma malade, bien que soignée attentivement, allait de mal en pis. Et je n’avais pas été sans remarquer que ses crises augmentaient d’intensité lorsqu’elle avait pris un certain médicament prescrit par mon père. Un affreux soupçon naquit en moi. Plusieurs jours de suite, j’évitai de lui donner la drogue que je jetais dans le lavabo et elle s’en trouva bien mieux. Mon père m’interrogea, j’avouai, très vite.

— Ce que tu fais là est absurde, m’expliqua-t-il. Si elle est plus mal pour le moment, c’est que la potion est difficile à assimiler. Mais une fois la cure terminée, elle sera beaucoup mieux. Il faut suivre mes prescriptions scrupuleusement.

Je le fis. Mais, par plusieurs indices qui, j’étais sûre, ne me trompaient pas, j’en vins à croire qu’on voulait l’assassiner. Je ne te dirai pas dans quel effroi je vécus, mais j’obéissais docilement, tentant de me persuader que mon imagination m’emportait trop loin.

Madame de Mertfonds mourut brusquement. Robert hérita.