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bre doucement, et vit Brigitte qui sortait de chez son mari.

Une colère folle monta en elle. Il lui sembla que toute sa vie de femme heureuse venait d’être souillée… Elle détesta Brigitte avec une telle fureur qu’elle se sentit l’âme d’une meurtrière.

Oui, il fallait que cette femme meure !

Le revolver était à sa place. Annette savait qu’elle ne raterait pas sa rivale…

Au loin, l’orage recommençait à gronder.


CHAPITRE IV

Ce fut Martine qui découvrit le cadavre en rejoignant la maison de ses maîtres, très tôt le matin. L’orage l’avait retenue à « La Marnière » mais elle s’était levée de bonne heure pour qu’ils ne souffrissent point de son absence. Elle prenait sa tâche au sérieux et déjà l’idée qu’elle n’avait pas préparé le dîner la veille la couvrait de confusion.

Elle regarda le corps de Brigitte étendu dans le lit. À la tempe, un caillot durci montrait l’endroit par où la balle était entrée. La belle tête blonde était penchée et du sang avait couru sur les dalles rustiques dont la pièce était recouverte.

La servante ne cria point. Si elle était effrayée ce n’était pas par la morte, mais pour Jacques et Annette. Elle les aimait elle aimait surtout vivre dans l’orbe enchantée de leur bonheur.

Elle ne comprenait pas le drame mais elle le pressentait obscurément. Elle avait toujours senti une sorte de répulsion pour Brigitte Hallier qui affichait des airs de propriétaire vis-à-vis de Jacques. Quoi d’étonnant que la femme de celui-ci…

Mais il fallait faire quelque chose.

Restée au pied de l’escalier, elle appela à voix haute. Deux portes s’ouvrirent simultanément. Jacques descendit suivi d’Annette. La servante s’effaça et ils virent en même temps le sinistre tableau. Annette était si pâle qu’elle ne put pâlir davantage. Jacques regarda sa femme profondément, comme pour la laisser lire en lui. D’un même geste, ils se rapprochèrent l’un de l’autre et leurs mains se rejoignirent.

— Faut enlever ça, dit Martine avec force.

— À quoi bon, répliqua Jacques. On ne peut pas lutter contre la police. Elle est toujours la plus forte.

Martine haussa les épaules. Plus forte qu’eux trois ! Quelle blague. En tous cas, on pouvait toujours essayer au point où on en était.

— Vous paierez quand on présentera la note, bougonna-t-elle. En attendant, j’ai un plan.

Elle l’exposa en phrases brèves.

Quand elle eut fini, Annette implora son mari :

— Faisons ça, Jacques ! S’il y a une chance de se sauver, il faut la tenter.

— Je ferai ce que tu voudras… Mais je n’ai guère d’espoir.

Elle resserra la pression de sa main. Elle ne voulait pas le perdre, c’est tout ce qu’elle savait.

— Faut faire vite, continua Martine. Elle est déjà raide…