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donc pour une autre femme ! Mais laquelle. Est-ce possible qu’il eut une maîtresse !

Non, elle le connaissait trop bien… Il était incapable de mensonge. Il devait y avoir, à son geste, une raison toute naturelle. Une politesse à faire…

Jacques, ayant réglé son achat, se dirigeait vers l’ascenseur et disparaissait dans l’étroite cage.

Annette eut envie de courir derrière lui, mais elle eut honte de son manque de sang-froid. Elle se contenta d’attendre à la même place, incapable de bouger…

Les minutes s’égrenèrent lentement… Une heure se passa sans que Jacques fut redescendu…

— Il vaut mieux rentrer, décida-t-elle… Ce soir il m’expliquera…

Mais elle sentait une sorte de bête cruelle qui la mordait au creux de l’épigastre…

Elle ne sut jamais comment elle rentra chez elle.

À peine était-elle revenue qu’un orage éclata avec une terrible violence.

Martine n’était pas rentrée. Seule dans la vieille maison, Annette guettait le retour de son mari.

Plus qu’une demi-heure et il serait là… Elle irait à sa rencontre, se blottirait contre lui et se confierait. À son tour, il dissiperait son angoisse. Et fout en serait au même point qu’hier…

Le bruit familier de l’auto la fit bondir vers la porte.

— Annette ! criait la voix de Jacques.

— Me voici, mon amour ! répondit-elle.

Elle ouvrait le battant, s’élançait.

— Brigitte m’a accompagné. Elle est trempée… Occupe-toi d’elle… dit-il brièvement.

Et elle vit Brigitte Hallier, blonde, grande, un peu dédaigneuse, sûre d’elle-même et de son pouvoir sur les êtres, qui s’avançait.

Contre son manteau ruisselant, elle tenait une botte d’œillets pourpres dont l’odeur poivrée et vivace monta vers elle.


CHAPITRE III

Les deux femmes s’affrontèrent du regard. Annette sentait qu’elle détestait Brigitte et que celle-ci le lui rendait bien. Pourtant, leurs relations avaient toujours paru amicales.

Il y avait un an, à peine le couple était-il installé dans la vieille gentilhommière, que la jeune femme était apparue dans leur vie. Elle avait loué, à deux kilomètres de chez eux, une villa où elle habitait de temps à autre. Elle était peintre, peintre de talent, et Jacques la connaissait depuis longtemps.

Avec lui, elle semblait toujours un rien protectrice et Annette s’irritait de cette attitude.

Brigitte leur faisait de rares visites. Parfois Jacques montait jusque chez elle. Là s’arrêtait leur voisinage.

Du moins Annette l’avait cru. Mais alors que venaient faire les œillets rouges dans cette histoire ? Pourquoi Jacques les lui avait-il porté chez elle (car, bien