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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

lage — achevèrent de me rendre mon équilibre. Je crus que je pouvais rentrer à Paris où j’avais des occupations assez urgentes. Je revins en deux étapes. Mais, monsieur, le soir même de mon arrivée, je grimpais à Montmartre. Je luttais contre moi pour ne pas retourner rue Clauzel, mais j’avais beau faire, je rôdais dans les rues environnantes. Et tout à coup, je croisai une fille dont le visage d’ange m’éblouit. Je la suivis. Elle s’en aperçut, entra dans un petit café. Je l’y rejoignis. Je me rendis compte qu’elle était bossue. Cette infirmité ne changea rien à l’attrait qu’elle exerçait alors sur moi. Et puis son bagout m’amusait. C’était à coup sûr une créature vulgaire, mais je trouvais je ne sais quel charme en elle. Je ne saurais très exactement expliquer ce qui me plaisait chez cette fille bizarre, sans doute l’opposition entre sa grossièreté de propos et l’ingénuité de ses traits, entre sa difformité et sa grâce candide. Bref, quand elle me proposa d’aller chez elle, j’acceptai. Mais quelle ne fut pas ma surprise quand je constatai que c’était encore à l’hôtel Minerva qu’elle m’entraînait. Je fus sur le point de refuser, de m’en aller. Je lui dis même : « Tu n’as pas peur d’aller dans la maison du crime ? » Elle me répondit : « justement ». Cette réponse excita ma curiosité. Pour la troisième fois je pénétrai dans cette maison maudite. Et pour la troisième fois, ma maîtresse d’une nuit fut assassinée aussitôt après mon départ. Quand je lus dans les journaux le meur-