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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

impossible. Et puis — l’homme est faible, monsieur — j’oubliai Ruby et sa mort dès que je fus dans la chambre de l’autre. Quelle fille splendide, monsieur. C’était Liliane Savelli. Elle était bien vivante quand je la quittai à trois heures. Sur les motifs qui l’avaient déterminée à m’admettre dans son lit, cette fois aucun doute, je lui avais remis auparavant cinq mille francs.

— On les a retrouvés dans son sac à main, fit Neyrac.

— Le lendemain, continua l’inconnu, j’apprenais que ma maîtresse de la veille venait à son tour d’être assassinée. Je pris peur, mais ce n’était plus cette fois du scandale ; c’était de la fatalité qui s’attachait à mes amours passagères. Je ne suis nullement superstitieux, mais tout de même je me demandais si je n’avais pas le mauvais œil. Je voulus fuir, d’autant que je sentais en moi une maudite attraction pour le lieu du double meurtre. Si j’étais resté à Paris, le soir je serais encore monté rue Clauzel. J’ai compris à ce moment-là, monsieur, ce qu’est l’obsession qui ramène l’assassin sur le théâtre de son crime. J’ai pris ma voiture et je suis parti à toute vitesse n’importe où. D’une traite, je suis allé jusque sur la Côte d’Azur, L’effort physique que je dus faire pour accomplir ce long trajet à une folle allure m’avait un peu calmé. Arrivé là-bas, je dormis comme une brute pendant douze heures d’affilée. L’air de la mer, les brises, la solitude — je m’étais arrêté dans un vil-