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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

recherche chez mes partenaires d’un moment. J’aime donc certains soirs me promener à l’aventure dans les rues, me fiant au hasard pour mettre sur ma route la compagne de mon choix. Tout cela est d’ailleurs assez commun et je ne pense pas être le seul homme dans mon cas.

Le hasard, monsieur, fait parfois bien les choses. C’est ainsi que dans la nuit du 26 février, il me mit en présence de Ruby Aubron. Je ne l’avais jamais vue ; je ne la connaissais pas non plus de nom. Ce fut seulement une jeune fille dont l’éclat fortuit d’un réverbère me permit de voir la joliesse ; je fus frappé, ému par sa fraîcheur. Je dois dire qu’elle ne répondit pas à mes avances. Je l’accompagnai malgré elle jusqu’à l’hôtel Minerva. Mais elle me laissa très proprement à la porte, je l’avoue déçu, car elle m’avait beaucoup plu… Je revins donc la guetter le lendemain. Je fus assez heureux pour la rencontrer à nouveau, et à ma grande surprise, elle ne fit cette fois aucune objection à ce que je la suive dans sa chambre. Et mon étonnement s’accrut encore par la suite, car il n’est peut-être pas inutile à votre enquête de préciser que lorsqu’elle s’est librement donnée à moi, Ruby était vierge. À quel mobile a-t-elle obéi ? Je ne saurais le dire, car je ne saurais penser à de l’amour pour un homme qu’elle ne connaissait pas. Elle me parut du reste d’une condition assez différente de celle à laquelle appartiennent les filles aux amours faciles. Elle semblait vouloir se