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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

est terrible. Alors, tant pis. Je suis venu. Voilà. J’ai vu l’assassin de celle qu’on appelle Adorata.

Neyrac se renversa sur son fauteuil en une posture qui lui était familière.

— Intéressant cela. Mais comment savez-vous que c’est l’assassin d’Adorata ?

L’homme s’enhardissait.

— Je vais tout vous dire comment c’est arrivé. Je tiens un petit bistrot rue Navarin, une boîte qui n’est pas conséquente, conséquente, mais qui a une bonne petite clientèle. Et tranquille, et tout, et tout. Alors voilà. C’était le 3 mars. J’allais fermer, quand arriva mademoiselle Adorata. Vous pensez si je la connais. Une fille comme cela, ça se remarque. Par devant, vous auriez dit un ange, par derrière une vraie sorcière. Et mal embouchée avec cela. Bref, je lui dis : « Vous voilà à cette heure, mademoiselle Adorata. Qu’est-ce que je vous donne ? » — « Une fine », qu’elle fait. Mais voilà qu’entre un homme. Un que je n’avais jamais vu. Un qui n’est pas du quartier. Il s’accouda au comptoir. « Une fine », qu’il fit aussi. Le temps que je verse les deux fines, ils étaient déjà en conversation. J’ai tout de suite vu de quoi il retournait. Car, pour vous dire, j’ai l’œil américain. Ce qu’ils se disaient, j’ai pas très bien entendu, mais j’ai très bien compris. Tu me plais, je te plais. Vous connaissez la chanson. Le monsieur a payé. Ils sont partis tous les deux. Made-