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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

a jacté qu’il s’était opéré tout seul… que je n’y étais pour rien… Il a fait le galant, quoi…

Un mois auparavant, Adorata avait tenté d’empoisonner son amant, un acrobate très beau, très jeune, qui s’était un moment épris de son visage d’ange. Il n’était pas le premier chez lequel la petite bossue avait, en dépit de son infirmité, fait naître une passion violente. Et ce n’était généralement pas sa difformité qui rebutait ensuite ses amants, mais bien ses sautes d’humeur perpétuelles, ses caprices jamais satisfaits, son caractère querelleur, son obscénité également qui faisait un contraste douloureux avec son visage candide. Il en avait été de l’acrobate comme des autres, mais Adorata s’était farouchement attachée à ce beau gars au corps parfait. Quand il lui avait appris qu’il avait signé un engagement pour l’Amérique et qu’il allait partir, dans une crise de rage froide, elle avait mêlé de la mort aux rats à ses aliments. L’homme avait failli mourir. On avait arrêté Adorata qui, d’ailleurs, se glorifiait de son acte.

— Bien sûr que c’est moi qui ai fait le coup, avait-elle hurlé aux inspecteurs venus l’interroger. Bande de vaches, vous pouvez bien faire de moi ce que vous voudrez. Je m’en fous. Personne d’autre n’aura Georges. Ah ! si j’avais eu des biscotos, c’est au surin que je l’aurais eu, et je me serais lavée dans son sang. Vous ne savez donc pas ce que c’est qu’une Italienne quand elle a un homme