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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

— Ben vrai, c’est pas gai ici. Vous en faites des têtes, toutes !

— Adorata ! Ils t’ont donc lâchée ?

Une drôle de petite bonne femme venait d’entrer. Son visage était ravissant : on eut dit celui d’une enfant sage et rien n’était plus innocent que la candeur de ses yeux bleus. Sa bouche minuscule saignait de fard sous un petit nez mutin aux ailes mobiles. Sa robe, très courte, collait sur son buste, moulant des seins jeunes et ronds dont le décolleté sans discrétion annonçait la blancheur veinée de bleu fragile. Mais elle était bossue : une gibbosité très accentuée tordait son dos, déformait tout son corps, et ses jambes étaient d’une maigreur effrayante. Les grappes désordonnées de ses cheveux tombaient sur ses épaules.

Elle grimpa sur un tabouret et fut tout de suite entourée.

— Adorata ! On ne t’attendait pas si tôt, tu sais.

— On est rudement content de te revoir.

— Alors, comment ça s’est passé ?

Adorata secoua sa crinière.

— Envoie d’abord un glass. Du raide, hein. Un mois à la cruche, ça vous altère.

— Tu vas te rattraper.

— Gy ! Je veux.

— T’es en provisoire ?

— Tu parles. Non. Les salauds m’ont relâchée pour de bon. C’est classé, comme ils disent. Bande de ballots. Paraît que Georges est sauvé… Il leur